Contrairement aux attentes du quatrième siège, le Dragon Excité ne se rua pas dans l’ombre de son Kidô pour mieux atteindre le fuyard. Non, il usa d’une technique inédite, propre à lui, propre à son shikai pour asséner un coup violent à longue distance, pour ensuite, accourir dans la direction de ce supposé criminel et le mettre au sol sans préavis. C’était tout bonnement spectaculaire, une maîtrise et un tempo proche de la perfection. Yusuke était ébahi devant cette prouesse technique. Non pas qu’il sous-estimait le pouvoir d’un troisième siège, mais plutôt qu’il n’avait jamais imaginé ce potentiel se réaliser sur un champ de bataille, il n’était que chimère lointaine et floue. Se confronter à l’écrasante vérité était une expérience nouvelle et stupéfiante pour l’homme aux mille cernes. Il contemplait ainsi l’écart qui le séparait d’une potentielle promotion, il était bien loin d’atteindre un tel niveau.

Un cri ou plutôt un compliment parvint aux oreilles du soigneur, au moins il avait fait de son mieux et c’était rendu utile. A cette pensée, il chavira en arrière et se ressaisit de justesse avant la chute. Il arrivait au bout de ses forces, cette mission l’avait amené à ses limites et pourtant, elle était loin d’être finie. D’ailleurs, une pensée le frappa tel un éclair, le premier prisonnier était désormais sans gardien, il fallait absolument remédier à cela. Promptement, d’un vif shunpo, il se retrouva derrière l’homme entravé, le sabre placé sur sa gorge. Il trouvait cette position très inconfortable et ne souhaitait pas qu’elle s’éternise. C’était qu’ôter des vies, même sous la menace, était contraire à tout ce qu’il croyait en tant que médecin. Il observa de loin le groupe de shinigami rejoindre Akame Ryu, souhaitant de tout cœur qu’ils se décident à venir vers lui pour prendre la relève. Car l’inverse était impossible, il ne pouvait pas à la fois transporter le premier assaillant et escorter le groupe de civils.

Trop loin pour deviner les propos de ces collègues, et trop affaibli pour oser briser le statut quo, Yusuke prit sur lui et essaya de paraître le plus menaçant possible. Tout était qu’une question d’apparence. Il fallait effrayer et dissuader l’homme piégé de toute action tout en paraissant rassurant et sûr de soi afin de soutenir moralement les nobles quelque peu effrayé et interloqué par la tournure des évènements. Et c’est lorsqu’il s’y attendait le moins, qu’un petit messager vint à lui. Ce papillon de l’enfer provenait du Gotei, il transmit les prochaines directives, quoi qu’un peu en retard.

Ne bougez pas, des renforts sont en chemin, nous nous occupons de retrouver le groupe de patrouille. Assurez la sécurité de ces nobles est votre priorité première. Voilà en substance ce que la hiérarchie avait daigné leur transmettre. Cela n’allait pas faire avancer les choses surtout qu’à présent, la première équipe les avait rejoints. Aussitôt sans perdre un instant, pour perdre le moins de temps possible, Yusuke renvoya un Jigokuchô. Il contenait un rapport complet des nouveautés qui avaient eu lieu depuis le premier envoi. L’arrestation d’un second homme et la réapparition du groupe tant recherché notamment. De plus, il n’omit pas de préciser leur intention flagrante de rester groupé pour atteindre les renforts tant nécessaires.

Une fois cela fait, il se retrouva de nouveau bloquer, à ne pas savoir quoi faire. Il ne pouvait pas bouger, ni même apostropher ses camarades trop loin, non tout ce qu’il lui restait, c’était de parfaire la protection des nobles du mieux qu’il pouvait le temps du retour d’Akame-san. Ne pouvant pas faire appel à la barrière précédente sans s’évanouir de fatigue, il ne restait que les manœuvres classiques et de bon sens. Il fit asseoir les nobles derrière lui, les utilisant comme radar si un ennemi approchait hors de son champ de vision. Puis, comme un appel de détresse, il pointa son index et son majeur en l’air.

-   Hadô no yon, Byakurai !

Le rayon transcenda les cieux et par la même occasion priva un peu le soigneur de sa capacité à voir, il arrivait au bout de ses réserves, il le savait. Mais il fallait faire comprendre à Akame-san qu’il ne pouvait pas rester là, seul avec tant de chose à protéger, il n’en avait plus la force. Cependant, il tint sa position dominante et menaçante envers le prisonnier, malgré la vue trouble et l’équilibre vacillant. Il ne fallait pas céder, il était important de prouver qu’un membre de la quatrième division était suffisamment fort pour ce type de mission à haut risque. C’était une question d’honneur.

Peu de temps après cet ultime effort, Ryu accourut près de Yusuke. Il avait l’air inquiet. Peut-être qu’en temps de conflits, un pareil signal n’était pas approprié ou bien avait-il remarqué l’état d’usure dans lequel était son partenaire de mission. Dans tous les cas, sa compagnie eut pour effet de calmer les angoisses montantes chez le barbu. Il n’était plus seul à gérer la situation, il pouvait se détendre et essayer de récupérer, de retrouver un peu de clarté dans son champ de vision, de stabiliser sa respiration à un rythme moins essoufflé. Comme à son habitude, le Dragon Excité résuma la situation avec entrain et alors que le soigneur allait l’informer du récent échange qu’il avait eut avec la hiérarchie, voilà qu’un groupe armé du Gotei 13 surgit de l’ombre. En les observant de près, il comprit qu’ils étaient tous membre de l’Onmitsukidô. Il avait été donc décidé de déployer ces forces d’élites, alliant rapidité et efficacité, pour atteindre le lieu de l’incident le plus rapidement possible et pour permettre une escorte efficace des deux prisonniers. Pour une fois, Yusuke accepta sans peine ce choix et l’approuva, le trouvant conforme à la situation. Il n’avait certes pas son mot à dire, mais ce passage de relai le libéra d’un poids qui commençait à devenir pesant.

Tandis qu’Akame-san échangeait avec les nouveaux venus, le quatrième siège se dirigea péniblement vers la patrouille shinigami. Là, sans perdre un instant, il soigna le plus gros des blessures de ces soldats, ne supportant plus de les voir geindre et se tordre de douleur pour quelques misérables plaies. Face à des patients, censés représenter l’ordre et l’honneur de la Soul Society, totalement désarçonnés par deux trois taillades, l’homme au mille cernes perdit quelque peu patience. Il ne dit rien, mais son visage était dur et froid. Une colère sourde pouvait s’y lire. Il leur en voulait encore pour leur précédent rapport plus qu’incomplet. Celui-là même qui leur a valu tant de péripéties et de mauvaises surprises. Leur manque de professionnalisme était flagrant. Quand il finit sa tâche, tout en restant courtois, il écourta leur rencontre pour rejoindre son compagnon du jour.

A peine avait il mit un pied à côté du troisième siège, que tous se mirent en mouvement, les Forces Spéciales, la première équipe de shinigami, les nobles, tous se déplacèrent avec entrain et énergie. Ce chamboulement perturba l’homme aux poils hirsutes, il n’arrivait plus à suivre la cadence. Que ce soit le départ des forces du Gotei toutes réunies avec les deux criminels sous bonne garde, ou bien celui des nobles, tout se déroula trop vite pour Yusuke. La fatigue l’avait rendu lent de corps et d’esprit, ce n’était qu’avec grande difficulté qu’il demeurait encore lucide et debout. Il répondait aux remerciements par automatisme, avec pudeur et humilité, il n’était plus que l’ombre de lui-même. De voir ainsi le monde se mouvoir sans lui, fit réaliser à Yusuke qu’il devait apprendre la retenue. Qu’il ne devait pas laisser son orgueil le guider, le pousser à dépasser ses limites dans le seul but d’impressionner ses collègues des autres divisions. Aujourd’hui, il en avait trop fait et il en payait le prix.

Il se passa quelques longues secondes avant que le soigneur ne réalisât qu’il était désormais seul avec son camarade. Les pensées encore embrumées par l’effort, il essaya de paraître le plus sain possible. Mais très vite, il réalisa que le Dragon Excité allait percer ce masque à jour et qu’il était inutile de lui mentir. Alors, d’une voix feutrée et emplie de regret, il prit la parole pour amorcer leur départ.

- Je crois qu’il est temps pour nous de partir, nous avons fait au mieux, je crois. Si nous pouvions rentrer en marchant, cela m’arrangerait, je commence à faiblir après tous ses efforts. Je suis loin encore d’avoir ton endurance Akame-san. Et nous pourrons profiter du chemin pour apprendre à se connaître et faire connaissance.

C’est par ces mots qu’une longue et lente marche débuta, elle fut pleine de paroles réconfortantes, de compliments, mais aussi de confessions et de partages. Les deux comparses échangèrent volontiers des bribes de leur passé, des espérances futurs et des peurs présentes. Une confiance mutuelle était née. Et c’est non sans déception qu’ils se quittèrent arrivant à destination. Néanmoins, ils savaient qu’ils se révéraient, ils se l’étaient promis après tout.